Ceux qui essayaient de sauver leur peau (pv Nindaeï, Belzébeth) (Terminé)

La célérité de son cheval était impressionnante. Nindaeï n’aurait jamais pensé rallier les Falaises de Felliath aussi vite. Néanmoins, était-ce vraiment une bonne nouvelle ? Peu avant le fameux lieu de rendez-vous, elle attacha Tempête-Obscure à un arbre, lui caresse l’encolure et lui dit qu’elle reviendra dans pas longtemps. En peu de temps, elle s’en était fait un ami… Les animaux sont tout de même tellement plus honnêtes que les humanoïdes de toutes sortes…

Cela fait, Nindaeï continua le chemin qui menait vers les Falaises à pied. Bien qu’il ne fût pas très long, le destrier aurait moyennement aimé sillonner un chemin fait de cailloux et de roches en tous genres. Arrivée au bout, une silhouette se dessina au loin. Elancée et athlétique, elle devait sans doute être celle du vampire. Pour en être sûre, l’hydromancienne huma l’air légèrement.

« Aucun doute, c’est lui ! Maintenant, il ne manque plus que l’humain et la troupe sera au complet. »

Elle continua d’avancer, espérant ne pas dégager l’aura maléfique qui la suivait habituellement. Mieux valait éviter le combat, bien que l’envie ne manquait pas d’en créer un… Son visage, caché sous sa capuche noire, était crispé en une expression indifférente: aucun sourire et pas la moindre émotion qui ne transparaissait. De sa main pâle, elle balaya les cheveux qui lui tombaient sur le visage. L’inconnu la dévisageait avec un soupçon d’agressivité.

-Inutile de prendre une telle posture défensive. Je ne suis pas là pour me battre. Je suis en quelque sorte un garde du corps. Pour veiller à ce que tout se passe bien… Au maximum… Ne faites pas attention à moi pour l'instant.

Moitié-mensonge, moitié-vérité. Il était si facile de manipuler les mots… De plus, il était impératif de ne pas trop éveiller de soupçons. Révéler ses véritables intentions maintenant serait une déclaration de guerre pure et simple. Pour l’instant : ne rien faire… Attendre… Que le Voyageur arrive… Avant que tout ne tourne au vinaigre… Se calmer… Ne pas sembler être une menace potentielle…

Tout ça allait être plus dur que prévu. Mais, il fallait essayer…

Détournant le regard, Nindaeï vit une autre silhouette s'approcher à son tour. Familière...

« La partie va commencer… »

Tendue et légèrement d’humeur belliqueuse, Nindaeï fixait son congénère qui semblait vouloir l’intimider.

« Si un combat éclate, j’aurai l’avantage c’est certain. Mais, je ne pense pas que le métamorphe soit doué au combat… »

Elle se mit à mordiller l’ongle de son index, signe qu’elle recherchait une solution et que sa tension était palpable. Pendant que son esprit était un peu ailleurs durant ce court laps de temps, son aura vampirique avait reprit le dessus sans qu’elle s’en rende compte tout de suite. Cette aura glaciale, funeste et sombre que sa nature lui avait peu à peu imposée au cours des dernières décennies, créait toujours une impression de terreur chez les personnes environnantes. Un bon moyen de dissuasion… Cependant, ce n’était pas la meilleure solution lors d’une session diplomatique…

-Nous ne souhaitons pas non plus de sous-entendus… Juste un accord. Un bout de papier contre des centaines de vies… Cela semble pour le moins équitable, non ?

La vampire savait bien que ses mots n’attendraient pas le chimiste, qui d’ailleurs se fourvoyait sur ses intentions. Des mots… Il en fallait pourtant pour raisonner quelqu’un. Mais, comment faire lorsque même ceux-ci semblent inefficaces ? Agir était la pire chose à faire pour envenimer une situation pareille…

Soudain, un souvenir refit surface brutalement dans son esprit. Si elle n’avait pas attaqué son père directement ce jour-là, son frère serait toujours en vie… Si elle n’avait pas été aussi hâtive, rien de tout ceci ne se serait produit. Cependant… Tout aurait pu se terminer de la même manière…

La blessure dans son poitrail, faite par l’épée ensorcelée, lui brûlait légèrement. Il n’y avait ni cicatrice, ni trace… C’était son âme qui avait été souillée… Il ne fallait surtout pas que cela refasse des siennes et encore moins à un moment aussi impropice.

Brusquement, Nindaeï revint à la réalité. A l’étrange confrontation entre le chimiste et le cartomancien. Sur le moment, elle n’était qu’une présence qui pouvait garder en vie le métamorphe si les négociations tournaient au vinaigre. Une présence qui semblait aussi perturber le vampire. L’hydromancienne ne s’était même pas rendu compte que sa main agrippait son poitrail en enserrant son étreinte. Reprenant une position plus assurée, ses iris écarlates se tournèrent vers l’humain, un léger sourire doux aux lèvres.

« A toi d’avancer tes pièces. Il ne m’écoutera pas de toute façon… »

Un coup de théâtre ! Une sorte de Deus Ex Machina… Nindaeï pensait pourtant que le stratagème de Belzébeth aurait eu son effet… Celui-ci avait été envoyé dans les tréfonds du précipice sans que la vampire n’ait eu le temps de réagir. Elle ne le connaissait pas depuis assez longtemps pour sauter corps et âme dans le précipice pour le sauver en vain. De plus, cela aurait attiré les foudres du dénommé « Adonis ». Ses seules pensées furent un simple espoir qu'il survive, peu importe les moyens de bord.

Aussitôt après, le vampire commença à s’approcher d’elle, katana dégainé, lui faisant une offre hiérarchique. Un rang ? Du pouvoir ? Un coup d’état ? Une proposition qui manquait d’originalité et qui ne plaisait guère. Monter des échelons équivalait à s’enchaîner à des gens et à assumer des responsabilités en plus du pouvoir. Et il faudrait côtoyer des gens… Horreur !

Un léger rictus et un rire démoniaque jaillissait de son larynx. Il semblait presque résonner. Il en glaçait le sang…

-Comment accepter une offre pareille surtout lorsque la personne en question s’approche en étant armée ? Comment croire quelqu’un qui vient tout juste de précipiter quelqu’un dans le vide sans la moindre once d’hésitation ? Et puis, je devrais me mettre à filtrer mes futures victimes. Quelle corvée ! Un rang m’importe peu. Le pouvoir, j’en ai déjà à ma manière… La seule chose que je désire pour l’instant, c’est de voir ta tête rouler sur le sol.

A ces mots, une expression sombre s’imprima sur son visage. Expression mélangée à de la haine profonde et à un impitoyable esprit belliqueux. Sa main droite saisit le manche de sa faux et s’y agrippa fermement, gardant cette position indiquant « Si tu approches, tu vas le regretter. ». Le pas d’Adonis en aurait effrayé plus d’un de par sa cadence et de par son aura. Elle n’en fit rien… Impassible, derrière sa capuche et au travers de son cœur de glace… Nindaeï avait l’avantage de l’expérience, mais l’ennemi demeurerait imprévisible.

En’Lith dans la paume de sa main, un sentiment de sécurité l’envahissait, semblable à de la toute-puissance.

« Tss… Je me demande comment il va réagir… Mal, sûrement. Mais, c’est ça qui va pimenter le tout. »

Ses lèvres filtraient un sourire mesquin et sadique. Tandis qu’Adonis était à moins d’un mètre de la faucheuse, elle dégaina brusquement, manquant de peu de le trancher au passage.

-Crois bien que j’aurais souhaité ne pas en arriver là. Comme tu l’as dit auparavant, il faudrait n’en éliminer qu’une poignée. Cependant, utiliser une telle technique s’apparente à de la lâcheté et c’est une des seules choses que je ne serai jamais… Lâche…

Se mettant en garde, après avoir remarqué que son ennemi avait reculé un peu, son esprit était toujours autant perturbé qu’avant. La nature de cet endroit l’influençait-elle ? Il fallait demeurer clairvoyant… L’hésitation n’avait pas sa place dans un combat…

Tss… Dire qu’elle avait mangé, il y a très peu, mais l’odeur du sang frais du métamorphe lui avait redonné soif subitement. Ce pincement à la gorge… Comme si un désert l’asséchait de son œsophage à sa bouche… Sa main sur sa bouche, Nindaeï essayait de combattre cet instinct qu’elle tentait si bien que mal de contenir.

Le balafré était en train de boire le sang qui aurait dû goûter SES lèvres, pas les siennes. Sa récompense pour l’avoir accompagné, sa médaille après ce service rendu !Profitant que son ennemi était en pleine vampirisation, la faucheuse fonça vers lui, armée et bien décidée à répondre à sa provocation en bonne et due forme. Levant sa monstrueuse arme d’hast vers les cieux, son mouvement fut suivi d’un abaissement brutal de la lame vers le bas. Cela entailla le dos d’Adonis.

« Comme si je pouvais te louper aussi facilement… Non, mon joli… Cette fois, tu vas souffrir. »

Profitant que celui-ci lâche prise et prenne de la distance, l’hydromancienne récupéra Belzébeth et essaya de le dégourdir un peu. Perdre autant de sang d’une fois était dangereux pour un humain. Il lui faudrait du temps pour tout récupérer. Néanmoins, l’odeur du sang du métamorphe appelait toujours ses narines. Résister et le mettre à l’abri pour le moment… Oui, c’était la seule chose à faire.

Pour ce faire, elle tapa de son poing libre sur le sol, faisant jaillir du sol un grand mur de glace épais entre les deux vampires. Ensuite, Nindaeï souffla fortement, créant une sorte de toboggan de glace descendant en aval sur lequel, elle posa délicatement le cartomancien et le fit glisser.

« Même si cela ne déboucherait pas très loin, il serait hors de danger pour un court instant. »

D’une main ferme, elle reprit En’Lith posée au sol, pour pouvoir porter son coéquipier avant et la fit tournoyer, puis couper net le mur qu’elle avait érigé quelques instants auparavant. Fixant Adonis, la vampire s’exclama :

-Bon, je vais t’accorder un privilège, bien que tu ne le mérites pas vraiment. (Elle ôta sa capuche, dévoilant son visage) Vu que tu n’as plus la tienne, autant que tu voies le visage de ta future meurtrière, non ? Je vais te montrer ce qu’un vampire qui a dépassé le millénaire sait faire.

Dans sa tête, elle dit « Levée du premier niveau : La Faucheuse des Abysses ». Aussitôt, sa faux se couvrit d’une couche de glace, la rendant presque translucide. Un sourire mauvais s’installa sur son visage cristallin. Levant son arme vers les cieux, Nindaeï l’abaissa avec une vitesse ahurissante en direction du vampire. Bien qu’elle ne fût pas à portée, le tracé du coup laissa partir un sillon de glace vers son ennemi. Sillon qui ne tarderait pas à le trancher, si ses réflexes seraient émoussés. Tranchant qui allait le heurter de plein fouet…

Un cri avait retenti… De la souffrance à l’état brut. Son esprit était déjà transformé en miettes de folie et maintenant, son corps allait lui aussi subir les affres de cette mort lente…

Elle retint son prochain coup. Non, il ne fallait pas lui faire ce plaisir. Car son ennemi était dans un état pitoyable. Rongé par le poison qu’il était sensé répandre sur le commerce. Les effets en étaient aussi horribles que ce que lui avait conté le cartomancien. Dire qu’elle aurait pu finir aussi ainsi… Rien que d’y penser, Nindaeï eut un frisson d’horreur. Profitant de la douleur de son congénère et guidée par son côté sadique, elle rangea En’Lith, qui reprit son aspect métallique, et s’agenouilla à côté d’Adonis.

-Ça fait mal, n’est-ce pas ? Ta propre douleur que tu as voulu lancer sur tes pairs. Ta haine aveugle qui prend forme... Sentir chaque cellule de ton corps rendre son dernier râle, mais la mort ne t’attend pas encore. Elle t’enlacera gentiment sans partir avec ta vie, n’en prenant que des bribes… Les unes après les autres… Jusqu’à ne plus rien laisser…

La faucheuse se releva gentiment, un sourire indéfinissable armé sur ses lèvres. Amusée mais quelque peu déçue de ne pas avoir pu combattre plus longtemps, la vampire déposa juste un petit mouchoir blanc plié à côté du chimiste, qui se tordait de douleur. Il ne servait à rien de lui offrir de la pitié ou une mort plus rapide. Après tout, ce n’est pas comme s’il le méritait. La bouche même de la vampire avait soufflé auparavant qu’elle souhaitait le voir souffrir et cela était fait, même sans son aide… Puis, tournant lentement la tête vers la voie glacée avec laquelle Belzébeth fut mis hors combat, elle eut quelques pensées pour lui. Espérant qu’il ne soit pas trop blessé. Souhaitant qu’il s’en sorte tout de même.

Ensuite, son regard se tourna brièvement de nouveau vers Adonis, suffoquant de miasmes mortels et sombrant peu à peu vers la barque de Charon.

« Pauvre petit gars. Si tu aurais été un peu plus sain d’esprit, tu n’en serais pas là… Peut-être serais-tu en train de vivre paisiblement, sirotant un verre de sang frais, rencontrant l’amour… Et non pas à mourir au bord d’un ravin dans l'indifférence. »

Maintenant, aller secourir le cartomancien qui devait être dans un sale état. Au-dessus de sa main naquit une petite fiole cristalline qu’elle saisit d’un geste précis. Puis, Nindaeï sprinta vers la piste de glace et se laissa glisser dessus comme si elle surfait pour aller rejoindre le métamorphe.

-Tiens ! Mets ça sur tes plaies, ça va aider à la guérison.

La vampire lui tendit donc le flacon avec une expression semblant neutre, mais teintée d’une légère inquiétude.

Le cartomancien n’avait eu qu’à débiter quelques mots pour chasser l’inquiétude qui se lisait dans le regard de Nindaeï.

« Sa vie n’était pas en danger… Ouf ! »

Par la suite, il lui donna un papier avec ses coordonnées. Quelqu’un qui lui faisait confiance et qui lui proposait ses services ?? En voilà une denrée rare ! C’était flatteur d’un côté. Elle qui pensait que leur collaboration allait se réduire à leur rencontre avec Adonis et qu’il faudrait faire table rase après cela… Carrément à côté de la plaque.

Un autre rire résonna au loin. Un ultime excès de folie du chimiste ? Fort probable…

Après avoir tourné la tête par réaction au rire du vampire, ses yeux se remirent à fixer le cartomancien. Avec une expression rassurée et douce, l’hydromancienne adressa un « merci » sincère et un peu étouffé au cartomancien, tandis qu’il rangeait ses cartes. Il semblait obnubilé par ses « outils de travail », n’ayant sans doute entendu qu’à moitié les remerciements de la faucheuse. Accroupie à côté de lui, elle lui adressa quelques mots :

-En espérant te recroiser dans des circonstances moins dramatiques. Et dans un meilleur état qui plus est… Au revoir, très cher. A une prochaine !

Quitte à se tutoyer juste avant, autant continuer?

Avec espièglerie, ses lèvres laissèrent un léger bisou sur le front de Belzébeth. Puis, Nindaeï remit sa capuche et remonta la piste de glace à une allure poussée, prenant ensuite le chemin qui s’enfonçait vers le petit champ de pierres pour aller rejoindre son cheval. L’animal à la robe d’ébène n’avait pas bougé. Il ne faisait qu’attendre sa cavalière, couché sur le côté. La vampire monta sur son dos et lui tapota l’encolure.

-Rentrons. Nous n’avons plus rien à faire ici.

Le galop de l’étalon ne tarda pas à les faire disparaître très rapidement loin des Falaises de Felliath. Il était temps de rentrer à la maison et de s’accorder un petit instant de repos… Surtout avec le soleil aveuglant qui l’éblouissait.

(Sortie du RP)