Crépuscule glacial {pv Reivax Baëleän} -TERMINE-

Après des siècles de calme, les dernières semaines en étaient rudes… Il fallait se reposer. Trouver un lieu paisible pour se ressourcer, loin des ennuis provoqués par les humains, loin de la civilisation, hors de son manoir et s’éloigner de la ville, le temps que les tensions entre factions s’atténuent un peu. Un bel espoir inutile… La seule idée qui fusa dans la tête de Nindaeï fut de se retirer dans les montagnes de la Syhra. Ces montagnes millénaires et inhabitées qui trônaient sur les nuages, grattant le ciel par leurs hauteurs, veillant sur la plaine d’Arkadia.

Après avoir quitté les Falaises de Felliath, la faucheuse avait emporté des habits plus chauds en prévision de son voyage qui aurait suivi. Elle avait même demandé à un des écuyers du manoir de venir chercher son cheval pour se retrouver totalement seule. Seule… Uniquement avec ses empreintes de pas qui la suivaient dans la neige profonde. La vampire marcha pendant des jours, arpentant des vallées de montagnes, mordant quelques autochtones par-ci par-là et visitant des endroits retirés du monde. Les jours passaient… Encore et encore… Et une tempête de neige ne tarda pas à arriver.

C’était le crépuscule, mais le soleil n’était déjà plus visible, caché par un blizzard intense qui ravageait le paysage sous un épais rideau blanc. Aucun choix. Il fallait trouver un endroit où s’abriter. Alors qu’elle courrait dans la neige, ses yeux rouges entraperçurent l’entrée d’une grotte. Sans plus réfléchir, elle fonça s’y engouffrer. Cet endroit s’enfonçait dans la montagne comme un long couloir d’une bonne vingtaine de mètres. La température y était moins rude et bien que de la neige s’y trouvait aussi en petites quantités, la terre apparaissait par bribes au milieu du tapis immaculé… L’endroit était parfait.

Lentement, l’hydromancienne déposa sa faux à côté d’elle et sortit trois petites bougies qu’elle plaça devant elle, puis se mit en tailleur.

« Rien de tel qu’une tempête de neige pour entrer en symbiose avec la glace. »

Les trois bougies s’allumèrent en même temps et un cercle entourant la faucheuse se dessina autour d’elle. L’air devenait toujours plus froid, alors que le cercle se remplissait d’une couche de glace, sur laquelle des sortes de symboles runiques apparaissaient. Nindaeï scella ses paupières et inspira profondément.

Subitement, un vent terriblement glacial se rua à l’intérieur de la grotte, faisant tourbillonner ses cheveux d’ébène. Il se faisait toujours plus fort, toujours plus cinglant… toujours plus tranchant. En l’espace d’un dizième de seconde, les trois bougies se firent couper nettes en deux en leur centre par une fine lamelle de glace apparue d’un des murs, plongeant de nouveau l’abri de fortune dans l’obscurité.

Tout à coup, le vent se brisa en un souffle léger qui s’évaporait dans la grotte, tandis que la vampire ouvra de nouveau les yeux. Sa main s’imposa sur sa bouche.

« Cette odeur… Du sang, mais… Impossible de déterminer de quelle race il en fait partie. Etrange… Faut que j’aille vérifier. Il a surtout une odeur vraiment alléchante. Je ne le laisserai pas partir sans y avoir goûté ! »

Gracieusement, elle se releva, prit sa faux et reposa sa capuche sur sa tête, ne laissant luire que deux globes rouges. La nuit avait étendue son emprise totalement, bien que la tempête de neige faisait toujours rage. Elle était dans son élément.

Cependant, il fut inutile de partir en chasse. La proie était déjà entrée dans le territoire de la chasseresse…

Il fallait vraiment être fou pour partir avant la nuit alors qu'une tempête glaciale fait rage dans la montagne....Et pourtant, Reivax l'avait fait, il était venu à son domaine vinicole en faisant le tour des montagnes. Autant dire que même si le vin était très bon, ça ne valait pas le temps gâché. Cette fois, il avait décidé de les traverser directement. Une erreur qu'il ne reproduirait plus jamais. En premier, il s'était fait attaqué par une meute de loup qui avait tué son cheval. Il s'était épuisé inutilement à tenter de sauver sa monture, même si il savait que c'était impossible. Un loup en avait bien sûr profité pour lui mâchouiller la jambe. Il était donc partit un peu au hasard dans la tempête. Donc si on résumait bien, ça donnait à peu près ça:
Il était perdu, blessé, épuisé, sans monture, avec peu de réserve pour subsister et au milieu d'une tempête. Et cela aurait pût s'aggraver si il n'avait pas finit par trouver cette grotte providentielle. Dès qu'il entra, il sentit déjà qu'il fesait moins froid....mais pas de beaucoup.
Il avait pût prendre quelques morceaux de bois sur le chemin, pas de quoi tenir longtemps, mais juste assez pour se réchauffer. Il fît quelques pas dans la grotte avant de s'arrêter. Quelque chose l'observait, il en était sûr...et en levant légèrement la tête, il remarqua deux yeux rouges au plafond. Il déposa doucement son bois, attrapa une pierre un peu plus loin et la lança vers les deux orbites rougeoyants. La pierre alla s'écraser sur le crâne de la chose qui atterrit plus loin encore dans la grotte. En s'approchant, il remarqua que la chose en question était une chauve-souris....ça lui donnerait l'occasion d'en goûter une au moins. Il se sentait rassuré mais avait toujours l'impression qu'on l'épiait dans l'obscurité. Enfin bon....si il devait attendre que son esprit gelé revienne à la raison, il avait le temps de mourir. Après avoir enfin fait le feu, il mît la petite créature ailée au feu puis la dégusta en se demandant combien de temps durerait la tempête. Il aimait bien le goût du mammifère, dommage que ce soit si dur à trouver. Cependant, même avec le ventre rassasié pour un temps, il se sentait mal, comme une sensation de mort imminente.

Nindaeï restait tapie dans l’ombre, dans un coin de la grotte. Le feu qu’avait allumé l’inconnu l’avait un peu éblouie. Pour une fois que la chance tournait de son côté. Pas besoin de courir après une proie, celle-ci venait déjà à vous.

L’odeur du sang en devenait presque suffocante dans la grotte et elle demeurait toujours méconnue. C’était de base humaine… avec quelque chose d’autre, impossible à identifier. Cela l’intriguait tellement qu’avant de passer à l’attaque, la vampire choisit d’épier l’inconnu.

« Mort, il ne saura pas me livrer son identité. Attendre… Oui, attendre… Enfin, essayer… Bon sang ! »

A ces pensées, elle eut des soubresauts de l’appel du sang. Jamais, l’odeur ne l’avait tant appelée que cela. De plus, sa dernière victime datait de hier… C’était qui ce type ? D’habitude, une telle réaction était due à un très grave manque de sang. Vraiment pas normal…

Bien qu’elle fût cachée par un processus de pierre qui cachait le coin de la grotte, la faucheuse y jeta un coup d’œil. L’individu, assit au bord du feu, mangeait une chauve-souris. Mais...Comment pouvait-on manger des créatures si adorables ?? Nindaeï affectionnait presque tous les animaux que les humains craignaient en réalité. Et particulier les chauves-souris, qui étaient vues comme des manifestations démoniaques du fait que certaines d’entres elles se nourrissaient de sang. Vu qu’elles vivaient toujours dans l’obscurité, les gens ne prenaient pas toujours le temps d’apprécier leur beauté en passant outre les stéréotypes.



L’hydromancienne balayait toujours l’inconnu du regard et remarqua qu’il saignait de la jambe. Blessure qui laissa une tache écarlate sur ses habits. A la vue de la plaie, l’appel du sang se faisait toujours plus fort. Toujours plus intense. Se contenir, il fallait se contenir… Ne pas relâcher son contrôle maintenant. Même si sa volonté tenait bon, le rouge de ses iris se mettait à teinter peu à peu le blanc de son œil, comme une goutte de sang lâchée dans l’eau… Qui se diffuse… Qui se répand…

Il allait sûrement la repérer. L’aura démoniaque qui la suivait, une des bougies qu’elle avait laissée sur le sol, le gel qui s’étendait de ses pieds vers le foyer du feu… Cela en était presque une invitation.

« Il me faut juste un indice… Pour savoir qui… il est. Après, pas de quartiers. »

Même ses pensées se brouillaient sous le coup de la soif. Il fallait juste assouvir sa curiosité, puis succomber à la soif. Et surtout pas l’inverse…

Enfin bon, au diable les peurs, il devait se soigner, il regarda sa blessure et vit la tâche de sang se répandre au sol. Il sortit le peu de matériel qu'il avait réussit à sauver des loups et commença a désinfecter sa plaie avec un peu d'alcool. Il souffrait....mais si il ne la refermait pas desuite, il risquait d'attirer des choses dont il n'avait même pas envie de connaître l'existence. Certains des fermiers de son domaine lui avaient dit qu'il y aurait une créature qui vivait dans les montagnes et qui se repaissait des cadavres des voyageurs morts de froid....mais comme toujours, c'était des légendes...enfin....

Reivax soupira, on ne pouvait jamais savoir avec ces histoires. Quand il eu finit de bander sa plaie, il remarqua qu'il fesait un peu plus froid dans la grotte et s'enroula d'autant plus dans son manteau. Pourtant, le feu n'était pas plus faible que tout à l'heure. Il se leva en s'appuyant sur sa lance et regarda autours de lui, il y avait du gel dans la grotte....mais il venait de l'intérieur de la grotte....ça ne présageait rien de bon tout ça. En faisant un pas, son pied heurta un objet, une bougie mais quelque chose l'interloqua lorsqu'il la ramassa....elle était encore chaude!!!
Quelqu'un était venu ici très peu de temps avant lui et cherchait à se cacher......mais qui?....et pourquoi?...

Maintenant, c’était sûr. Elle était repérée… Il fallait trouver un moyen de détourner l’attention. Histoire qu’il se s’approche pas, sinon, elle allait sûrement le mordre (plus vite que prévu). Il s’approchait, il allait la voir c’était certain. Lancer un caillou au loin pour détourner l’attention ? Non, trop classique. Fuir ? Sa fierté l’en interdisait. Ne rien faire ? La pire initiative qu’elle aurait pu avoir. Tenter le tout pour le tout !

Nindaeï sortit de sa cachette, faisant face à l’homme qui avait investi son « sanctuaire improvisé ». Sa silhouette gracile semblait sûre et droite, mais dans sa tête, c’était comme si les deux parts de son âme se livraient un combat terrible. Son côté vampirique se faisait toujours plus fort, toujours plus proche de la victoire…

Son petit corps semblait se faire toujours plus lourd, tout comme ses paupières.

« Qu’est-ce qu… Son sang… n’est pas normal… Qu’est-ce qu’il… m’arrive ??»

La faucheuse put juste prendre appui sur sa faux pour ne pas chuter, haletant, la bouche entrouverte. Les relents de l’odeur de sang lui donnaient des vertiges étranges. Tout se détraquait. Même son emprise sur la glace qui ne tarda pas à continuer d’étendre son emprise sur le sol de la grotte, puis sur les murs et enfin même le plafond en fut recouvert.
Alors que la vampire perdit ses dernières forces et s’écroula sur le sol, de petits flocons perlaient des stalactites au-dessus d’elle. On aurait presque dit un rêve… Puis, le visage de l’inconnu apparut juste avant que ses paupières ne se ferment. Juste pour quelques minutes pas plus…


A son réveil, les pulsions avaient disparues. Tandis qu’elle ouvrait les yeux, il faisait plus… chaud ? Un petit feu crépitait à côté d’elle. Et l’homme était assis tranquillement. La faucheuse s’assit gentiment, la main contre la face. Un morceau de glace plane lui renvoya son reflet : ses yeux étaient toujours teintés de sang en totalité.

-Que s’est-t-il… passé ?

Il avait fait quelques pas vers le fond de la grotte lorsqu'une femme était sortie d'un coin sombre. Elle avançait d'un pas peu assuré, comme si elle était ivre. Elle avait prit appuie sur sa faux et c'est à ce moment que toute la grotte s'était emplie de glace, du sol au plafond, même l'air était gelé. Et avant même que Reivax eu le temps de dire quelque chose ou de se mettre en garde, la jeune femme s'était écroulée, inconsciente sur le sol. Il avait mit un petit moment à choisir que faire. Après tout, peut-être simulait-elle pour lui sauter dessus car c'était une tueuse. Mais d'un autre coté, c'était peut-être une voyageuse qui avait eu peur et qui s'était réfugiée....De toute façon, ce n'était pas dans sa nature de resté là sans rien faire, alors il s'était approché de la femme pour l'examiner.
Le souffle était normal, pas de blessures, tout avait l'air d'aller bien....jusqu'au moment où il regarda ses yeux, ils étaient recouverts de sang.....mais elle n'était pourtant pas en train de mourir....Enfin, il se poserait la question plus tard, pour l'instant, il devait refaire son feu qui avait été éteint par la vague de glace et attendre qu'elle revienne à elle.

Après plusieurs heures, la fille bougea enfin. Tant mieux, il avait pleins de questions à lui poser, notamment sur sa faux qu'il n'avait pût prendre pour la rapprocher. Il y avait aussi ses yeux, toujours rouges, et elle tentait apparemment de les dissimuler.

-Que s’est-t-il… passé ?

A vrai dire, il n'en savait sûrement pas plus que le fille. Elle s'était écroulée et....voilà tout ce dont il disposait comme informations....

-Hum....je ne sais pas vraiment...Vous êtes sortie de derrière cette pierre, dit-il en la montrant, puis vous vous êtes écroulée. Vous n'avez pas l'air d'avoir de blessures mais...vos yeux...ils ont l'air imbibés de sang....

Il laissa un silence à la jeune femme pour assimiler ces informations puis reprit:

-Que faites vous ici?

-Hum....je ne sais pas vraiment...Vous êtes sortie de derrière cette pierre, dit-il en la montrant, puis vous vous êtes écroulée. Vous n'avez pas l'air d'avoir de blessures mais...vos yeux...ils ont l'air imbibés de sang....

En presque 1067 ans d’existence, les réactions de son corps arrivaient encore à la surprendre. Un moyen de Mère Nature de ne pas les lasser de l’éternité ? Néanmoins, il fallait savoir, comprendre. Elle tira un peu plus sa capuche pour camoufler son visage. Hors de question qu’il voie trop ses yeux… Bien que cela devait déjà être chose faite.

-Que faites-vous ici?

Que répondre ? Jouer la carte de l’honnêteté ou tenter un mensonge ? Enfin… A quoi bon mentir à quelqu’un qui n’avait pas réagi de manière belliqueuse. Nindaeï s’était déjà imaginé avec un pieu dans le cœur, après s’être évanouie devant un inconnu qui aurait vu ses yeux dans un tel état. Voire peut-être immolée sur une place publique, qui sait…

-En fait, je m’étais réfugiée ici à cause de la tempête de neige et c’était un bon endroit pour méditer un peu… Et… Et…

Elle n’allait tout de même lui dire direct que c’était une vampire, même si cela se voyait à des kilomètres. Juste être subtile le temps de découvrir qui il était. Après, le mordre deviendrait une priorité. C’en était plus une nécessité qu’une envie à vrai dire. Si les pulsions revenaient peut-être que ce serait pire qu’auparavant…

La faucheuse enlaça ses jambes timidement, puis esquissa un sourire plus pour se mettre en confiance que pour l’adresser à l’inconnu.

-J’espère ne pas vous avoir effrayé.

Question idiote. Une vampire encapuchonnée, les yeux injectés de sang, cachée furtivement dans une grotte… Il y avait de quoi effrayer un humain, enfin… si c’était un humain…

-J’espère ne pas vous avoir effrayé.

Effrayé n'était pas le mot, Intrigué aurait été plus en accord avec le sentiment que lui inspirait la femme en face de lui. Elle avait enfoncé un peu plus sa capuche sur sa tête. Il tourna la tête vers elle puis regarda le feu dans lequel il rajouta une bûche. Comment lui dire sans vraiment être trop direct ce qu'il pensait?.....Tsss, la subtilité était vraiment une barrière pour avancer vite mais bon, il préférais aller lentement mais sûrement et passer pour une personne civilisée et intelligente plutôt qu'y aller franchement et passer pour un imbécile de premier ordre. Il regardait l'intérieur de la grotte en se demandant quel genre de méditation pouvait se faire dans cette grotte obscure avec pour seule lumière une bougie découpée....Décidément, partir dans ces montagnes était loin d'être une de ses meilleures idées. Il tenta de répertorier intérieurement les espèces dont les yeux changeaient ainsi de couleurs et il n'en vînt que quelques unes:
-les vampires mais uniquement lorsque leur soif de sang n'a pas été comblée depuis longtemps
-les âmes-damnées....enfin, d'après certains récits
-certaines formes de buveurs de sang mais pas vampires....
Autant dire qu'il n'était pas avancé sur ce qu'il avait en face de lui....mais bon, autant lui dire le fond de sa pensée parce qu'il n'avait pas envie de crever comme un imbécile:

-Je n'ai pas eu peur.....mais je dois avouer que vos yeux rouges me déroutent un peu...

Pendant qu'il disait ça, il jouait avec sa blessure, en faisant couler quelques gouttes pour voir la réaction de la jeune fille.

-Je n'ai pas eu peur.....mais je dois avouer que vos yeux rouges me déroutent un peu…

Il y avait de quoi… Les personnes possédant des pupilles étranges sillonnaient les terres d’Aeoris en un nombre restreint tout de même. Entre les Kaëliens, les Âmes Damnées, les Vampires, les Elfes Noirs et tous autres hybrides peu communs, le choix demeurait minime.

Nindaeï était sûre que l’individu l’analysait du regard. Bien qu’elle fasse la même chose, cela la troublait un peu. Son comportement aurait de quoi susciter la curiosité de son entourage.
Soudain, l’odeur du sang se refit plus forte. Son regard incarnat se tourna net vers la plaie sanguinolente que l’individu traficotait. Un test… Ça ne pouvait être que cela ! Néanmoins, cela allait être vraiment dur de le duper. Trop dur… A peine un filet de sang coulait de nouveau de sa blessure que les pulsions revenaient. Cette fois-ci, ce n’était plus partiel… Ses yeux étaient entièrement rouges !

C’était un coup bas. Elle allait se trahir à coup sûr. Il aurait suffi qu’elle détourne le regard ou même qu’elle bouge trop sèchement pour lui bondir à la gorge. Son contrôle se romprait au moindre acte brusque. De ce fait, Nindaeï tourna très légèrement la tête en direction de l’inconnu, dévoilant au passage un de ses crocs saillants.

« A quoi bon le cacher ? Il va le découvrir d’une manière ou d’une autre de toute façon… »

-Cela ne semble-t-il donc pas si évident ?

A ces mots dotés d'une froideur extrême, un sourire s’éclipsa sur son visage de craie, suintant la folie et la malice. La glace fraîchement fondue de la grotte retapissa les murs instantanément.

« Se calmer… Oui… Se calmer… Tu ne vas pas succomber aussi aisément, non ? »

Tout à coup, la glace disparut de nouveau. Bien que l’envie n’y manque pas, ce n’était pas le moment de se relâcher. La vampire aurait semblé paisible, outre le fait qu’elle s’enlaçait avec ses bras, presque comme si elle voulait s’enchaîner. Puis, elle lui adressa quelques mots :

-Vous devriez soigner votre blessure. Il est aisé de les infecter en des endroits aussi humides.

Détourner l’attention. Ne pas sembler concernée par le sang qui coulait toujours plus. Ne pas agir. Juste demeurer impassible… Résister... Coûte que coûte!

Un croc, de la glace qui apparaissait et disparaissait aussitôt. Il était en face d'une vampiresse qui maîtrisait le froid......autant dire que si il continuait de la tenter avec son sang, il savait qui serait le gagnant du duel.
En fait, sans même s'en rendre compte, il s'était rouvert la plaie, un risque sûr de la faire sortir de ses gonds....
-Vous devriez soigner votre blessure. Il est aisé de les infecter en des endroits aussi humides.
Manière polie de dire ce qu'il pensait à l'instant ou alors vaine tentative pour détourner la conversation? Comment savoir....après tout, les vampires pouvaient être des créatures cent fois millénaires qu'elles conservaient quand même les traits de leur jeunesse....bref, il n'était pas plus avancé sur la femme en face de lui. Lui était sûr de n'avoir aucune envie de la combattre....mais que dire d'elle. Enfin bon, il devait se soigner sinon il allait mourir vidé de son sang.
-Hum, conseil judicieux, merci...Il ressortit son matériel de soin de son sac, il était déjà bien entamé, et sutura encore une fois la plaie. Pendant qu'il faisait ça, il continua. Je viens de me rendre compte que je ne me suis pas présenté, Reivax Baëleän, à votre service. Il aurait volontiers prit la main de la jeune femme pour y déposer un baiser comme voulait le protocole mais il avait les mains prises.
-Puis-je me permettre de vous demander votre nom? Apparemment, nous ne sommes pas prêts de sortir et je déteste passer des heures avec des personnes inconnues.
Est-ce que ces mots laissaient assez paraître qu'il n'avait pas envie de lui planter un pieu dans le coeur? Aucune idée....et puis, de toute façon, il n'en avait pas sur lui alors ça réglait la question.
Il termina son soin et, après avoir rangé une énième fois son matériel, il lança un morceau de bois dans le feu qui laissa des cendres rougeoyantes s'échapper dans l'air...

Je viens de me rendre compte que je ne me suis pas présenté, Reivax Baëleän, à votre service.

Il était rare que l’on puisse faire preuve d’autant de politesse dans ce genre de situation. D’autant plus que c’était une rencontre un peu… froide au sens propre et figuré du terme. Reivax… Baëleän ? Un nom peu courant, mais avec un certain charme.

-Puis-je me permettre de vous demander votre nom? Apparemment, nous ne sommes pas prêts de sortir et je déteste passer des heures avec des personnes inconnues.

Il avait raison. La tempête de neige durera encore quelques heures sûrement. Comme le temps peut passer vite parfois… De plus, l’odeur du sang s’était fortement calmée au point de rendre ses chères cellules grises de nouveau pleinement sous sa volonté. Sur son visage, la nervosité de succomber à ses pulsions semblait avoir disparue. L'hydromancienne voulait lui tendre la main comme salutation, mais se ravisa rapidement.

-J’en oublie aussi les bonnes manières. Nindaeï Murmuresoleil. Enchantée.

Comme toujours… Sauter d’un état d’esprit à l’autre, tel était son caractère, aussi étrange qu’il puisse être. Lunatique… Ironique pour une Ombre Lunaire (Daeithil)…

-Que fait donc un humain en pleine tempête de neige au milieu des Montagnes de la Syhra ?

Son air intéressé en était troublant, tant que le changement semblait radical. Pour combler le tout, le ton utilisé divergeait totalement de celui emprunté auparavant. La même personne ? Simplement la Nindaeï avec toute sa tête, non rongée par la folie ? C’en était possible… Néanmoins, la prudence demeurait la clé. S’approcher trop près de Reivax pourrait lui être fatal, qui sait. En pensant à cela, la faucheuse recula très légèrement de quelques centimètres, restant assise.

« Après tout… Il avait raison. Sortir de cette grotte serait un supplice. Cela ne me tuerait pas, mais ce n’est pas la chose la plus agréable que l’on puisse vivre. »

Profiter d’un peu de compagnie ne tuait personne, même hors de ses habitudes. Et la méditation élémentaire pouvait attendre. Toute l’éternité s’il le fallait…

Murmesoleil.....un nom assez amusant pour une créature supposée vivre dans l'ombre. Enfin bon, il se gardait de partager son trait d'humour, car même si elle s'était présentée, elle n'en restait pas moins une vampiresse et on ne savait jamais comment elle pourrait réagir.
-Que fait donc un humain en pleine tempête de neige au milieu des Montagnes de la Syhra ?
Humain....Ce mot le fît sourire mais il le perdit très vite quand il se rendit compte du changement de ton évident....Cette fois ci, c'était vraiment effrayant...Mais en même temps, ce terme l’horripilait horriblement. Il n'était pas un simple humain, fruit de l'accouplement de deux humains moyens eux même en étant la résultante....Il était....à part? Oui, c'est ça, à part parce qu'il était unique. Hum...la confiance se méritait....mais elle s'accordait aussi dans les pires moments.....Eh bien il n'en aurait le coeur net que si il essayait car on apprenait de ses erreurs....
-Humain? Non. Hybride serait un terme plus juste. Quand à ma venue dans ces montagnes, c'est une stupide tentative pour gagner quelques jours de voyages. J'étais venu ici pour visiter une exploitation vinicole héritée, mais je doute que cela vous intéresse vraiment...
Il regarda encore une fois la vampiresse....elle semblait fasciné par lui....mais pas forcément en bien.
-Est-ce que je vous intrigue tant que ça pour que vous me fixiez et que vous reculiez presque imperceptiblement?

-Humain? Non. Hybride serait un terme plus juste. Quand à ma venue dans ces montagnes, c'est une stupide tentative pour gagner quelques jours de voyages. J'étais venu ici pour visiter une exploitation vinicole héritée, mais je doute que cela vous intéresse vraiment...

Le vin n'était pas vraiment ce qui l'intéressait le plus en effet, mais une autre information lui resta sur l'esprit...

Un hybride ? C’en était peut-être la raison… La raison pour laquelle son sang semblait si appétissant… Si attirant... Néanmoins, ils étaient sur un pied d’égalité. Les deux se connaissaient maintenant en formalités, échangeant leurs identités à leur forme la plus basique. Un nom, une race… Une étiquette. Une future épitaphe. Un souvenir qui en sera des plus lointains dans quelques décennies, lorsque la vampire n’aura pris aucune ride et que l’hybride sera sans doute six pieds sous terre… Quelle chose fascinante que l’éternité. Quand commence-t-elle ? Quand prendra-t-elle fin?

Tandis que son esprit s’égarait peu à peu dans les confins des questions sans véritables réponses, une autre réplique de son dialogueur la fit revenir à la réalité.

-Est-ce que je vous intrigue tant que ça pour que vous me fixiez et que vous reculiez presque imperceptiblement?

Que répondre ? Hormis qu’elle n’était qu’un filet de sentiments et de réactions contraires…

-Effectivement, vous m’intriguez beaucoup. Enormément. Vu que vous aviez sans doute deviné ma nature vampirique... De plus, pour une raison totalement inconnue, votre sang… a quelque chose de spécial. Je ne saurais le dire plus précisément. Et je pense que vous ne souhaitez pas vraiment que j’en arrive à le goûter directement à la source.

L’index droit posé sur ses lèvres était signe qu’elle se questionnait et que son « petit » côté sadique prenait légèrement le dessus.

« Décidément, je devrais apprendre à me taire plutôt que de sortir telles phrases. Je vais l’effrayer, ça risque même de mal tourner. Si seulement, je pouvais me bâillonner… Cela n’en serait pas un mal…»

Sa seule volonté sur le moment aurait été de retourner dans le passé… De se lester dans ses souvenirs. Redevenir la vraie Nindaeï avant d’être brisée… Avant que son propre caractère n’éclate en fragments de miroir tranchants et fascinants tout autant… Avant que tout ne se perde : Raison comme chaleur. Et que tout ne finisse en lambeaux…

Certains pleureraient, certains déprimeraient, certains n’en supporteraient pas plus… Peu en souriraient. Pourtant, elle le faisait. Un sourire froid et chaleureux. Lointain et proche. Douloureux et salvateur. Sincère et faux. Réel et utopique.

Ensuite, rappelée à la réalité par une goutte d'eau qui mourut sur sa joue, la faucheuse détourna de nouveau le regard en direction de Reivax.

-Désolée… Je n’aurai pas… dû…

Ses mots tranchés semblaient sincères. Mais comment répondre à quelqu’un d’aussi instable ?

-Effectivement, vous m’intriguez beaucoup. Enormément. Vu que vous aviez sans doute deviné ma nature vampirique... De plus, pour une raison totalement inconnue, votre sang… a quelque chose de spécial. Je ne saurais le dire plus précisément. Et je pense que vous ne souhaitez pas vraiment que j’en arrive à le goûter directement à la source.
Sans vraiment le vouloir, il se passa une main sur le cou. Geste idiot si il était puisqu'elle aurait très bien pût lui prendre un peu de son fluide vital depuis des lustres si elle l'avait voulu.
-Désolée… Je n’aurai pas… dû…
Un vampire franc et qui s'excusait.....ça commençait à être gros...Mais ça restait.....plausible....
Il se contenta de sourire, il ne savait pas vraiment quoi dire. Il laissa passer un petit moment puis répondit:
-Ce n'est rien, la franchise est une qualité rare aujourd'hui.
Il commençait à se demander si ce n'était pas de l'égoïsme pur et simple que de ne pas la laisser lui prendre un peu de son sang et.....Mais pourquoi il se demandait ça lui? Était-ce à cause de son regard écarlate hypnotique? En tout cas, il hésitait carrément à lui offrir son cou pour qu'elle s'abreuve. Hum.....mais quitte à devoir faire ça, il faudrait qu'elle le mérite....car après tout, on ne trouvait pas du sang de dragon partout.....et il en savait quelque chose...
-Hum.....je suppose que vous avez envie de goûter ce liquide inconnu pour vous non? Il n'attendit pas la réponse et continua. Je veux bien vous laisser goûter....mais pas sans rien faire....Seulement, je vois difficilement quoi faire pour que vous méritiez de le goûter.
Après tout, peut-être aurait-elle une idée.....Reivax, lui, ne voyait pas quoi proposer à une vampiresse qui ne risquait pas d'être trop facile pour elle....

-Ce n’est rien. La franchise est une qualité rare aujourd’hui.

Franche, c’en était certain. Était-ce une qualité… ?

-Hum.....je suppose que vous avez envie de goûter ce liquide inconnu pour vous non? Il n'attendit pas la réponse et continua. Je veux bien vous laisser goûter....mais pas sans rien faire....Seulement, je vois difficilement quoi faire pour que vous méritiez de le goûter.

Mmh… Mieux attendre sa proposition et laisser un peu mijoter l’envie pour qu’elle soit juste à point. Se laisser tenter un peu plus pour apprécier davantage une fois la récompense en main.

-C’est vous qui voyez. Si l’envie de me lancer un défi vous tient tant à cœur, soit ! Restons dans les civilités. Cependant, j’aurais très bien pu me servir maintenant sans vous en demander votre avis. (légère pause) Juste en m’approchant lentement comme ceci. Toujours plus lentement. Jusqu’à arriver à bonne distance.

En même temps que ses mots sifflaient dans les airs, la vampire les mimaient. S’approchant à quatre pattes de Reivax, jusqu’à être assez proche pour lui chuchoter presque ses paroles à l’oreille, son esprit ne faisait que jouer. Jouer, tenter, manipuler… Ses occupations favorites avant de se repaître du liquide vermeil de quelqu’un.

Tandis que sa bouche s’ouvrait presque machinalement, prête à transfuser inversement, elle se ravisa, recula et alla se rasseoir à sa place initiale gracieusement.

-Je plaisantais bien évidemment. N’importe quelle tâche me siéra.

Un large sourire s’inscrit sur son visage : faux, de façade, hypocrite… Vraiment un sourire ? C’en était un. Large, mais froid. Bien que la faucheuse dise plaisanter, le mordre aurait été chose aisé. Presque une libération. Que pouvait-elle avoir en tête ? Que pouvait penser son interlocuteur ? C’en était presque un combat… Avancer ses pions sur l’échiquier. Espérant que l’adversaire commette une faute. Un manque de calcul, de précision dans ses propos.
Attendre juste la « fameuse tâche »…

Son regard glissa rapidement vers l’entrée de la grotte, cloîtrée par un rideau cinglant de vents froids et de flocons entremêlés.

« Et cette tempête qui fait rage sans vouloir s’arrêter… Quelle mouise…»

-Je plaisantais bien évidemment. N’importe quelle tâche me siéra.
Reivax n'était pas sûr qu'elle plaisantait vraiment. A vrai dire, dès qu'elle avait commencé à s'approcher un peu trop près, il avait saisit le manche de sa lance, prêt à l'empaler sur place si elle exécutait le moindre mouvement suspect. Il se détendit un peu quand elle s'éloigna.
Après un court instant passé à ne rien faire, il prit appui sur sa lance pour se relever et commença à marcher dans la grotte. Décidément, les endroits clos n'étaient pas fait pour lui, il détestait marcher de long en large comme un fauve en cage.
Il cherchait quoi donner comme tâche à la vampiresse, mais ce n'était pas chose aisée. La grotte était petite, ne se prêtant donc pas à une multitude d'activités. Un combat lui paraissait être une activité qui manquait d'imagination et surtout, elle risquait (enfin, c'était plutôt de l'ordre de la certitude) de le battre et de le tuer. En plus de ça, il était blessé, donc il raya ça de sa liste mentale. Décidément, son sang lui apportait plus d'ennuis qu'autre chose ces derniers temps. Non, décidément, il n'avait aucune idée....à moins que...oui, ça pourrait être amusant.
Se rapprochant de son sac, il en sortit un petit récipient en fer et le posa sur une pierre. Avec la lame de sa lance, il se fît une légère incision dans la paume gauche et fît couler quelques gouttes de son fluide vital. Une fois que le fond du récipient fût couvert de son sang, il le tendit à la femme.
-Voilà votre épreuve, gouttez et devinez de quoi il s'agît si vous en voulez plus.
En disant ça, il riait intérieurement, comment pourrait-elle deviner ce que c'était alors que l'animal avait disparu du continent? Voilà quelque chose qui s'annonçait amusant.

L’odeur était revenue hanter ses narines de plus belle. Toujours aussi mystérieuse. Reivax avait donc une idée en tête, vu qu’il sortait un petit attirail. Et il ne tarda pas à… se saigner la main ??

-Voilà votre épreuve, gouttez et devinez de quoi il s'agît si vous en voulez plus.

Lentement, la vampire s’avança à quatre pattes vers l’écuelle en métal et se mit à l’inspecter contentieusement du regard. Aspect normal de l’ambroisie vampirique. D’un rouge sombre qui se mettait à coaguler légèrement au centre de l’écuelle. Et cette flagrance… En 1066 ans d’existence, ses narines n’avaient jamais inspiré telle odeur.

« C’est humain et quelque chose… de pas humanoïde ? Bon, je goûte et ce sera peut-être plus clair. »

Avec une extrême délicatesse, ses mains saisirent le récipient et portèrent son contenu à sa bouche. Liquide qui à peine toucha ses lèvres qu’il éveilla de nouveau une pulsion intense. Comme si sa grâce avait été annihilée, elle but d’une traite tout le reste du récipient. Puis, Nindaeï se rassit lentement, la paume sur les lèvres, réfléchissant, analysant, traitant avec son goût comme si c’était une encyclopédie universelle. Ses paupières se scellèrent pour l’aider à mieux rentrer en symbiose avec cet élément qui demeurait inconnu.

« C’est ancien. Pas un canidé. Ni un félin. Plus un reptile… oui. Un reptile ! Froid et chaud en même temps. Un lézard, non ? Plus chaud, mais froid de l’intérieur. Un sang glacial et un soupçon de chaleur intense… Mais bien sûr ! »

Sous le coup de ce début de révélation, un souvenir lui revint subitement en mémoire. Les cours sur les créatures magiques que sa mère, Ureï lui prodiguaient. Sa fille studieuse, suivait toujours ses enseignements à la lettre, c’est ainsi qu’elle eut autant de facilité à devenir élémentaliste. Durant une de ses leçons, le but fut de se replonger dans les chroniques des temps anciens d’Aeoris. Comme toujours, pour ce faire, Ureï lançait un sort d’illusion mineure pour « s’immiscer dans l’histoire ». L’environnement se distordait devenant tel qu’il était des siècles auparavant.

Pendant un court instant, la voix de sa mère semblait résonner à nouveau dans sa tête, récitant mot par mot, les phrases érudites tout droit sorties d’un livre. Racontant les grands événements gravés dans le passé, les découvertes, les ruines, les guerres… les disparitions et les conquêtes…

Dans la réalité, ses yeux se rouvrirent d’un mouvement machinal et ses lèvres articulèrent quelques syllabes, distordues et étouffées.

-Dra…gon… Non ? Du sang de dragon ! Ils sont éteints pourtant. Alors… comment ?

C’était invraisemblable. Cependant, par déduction, cela ne pouvait être que cela.

-Dra…gon… Non ? Du sang de dragon ! Ils sont éteints pourtant. Alors… comment ?
Rien qu'à la face déconfite de la femme, Reivax sentit son visage se fendre d'un large sourire. Croire que l'espèce était éteinte était stupide car ils avaient dût seulement quitter cette terre pour en trouver une plus hospitalière. Cependant, elle était très perspicace. Deviner aussi vite son hybridité, c'était une première.
-Félicitations, vous avez trouvé. Mais le comment du pourquoi ne fait pas partie de nos accords....
Il se détourna de la vampiresse, un sourire encore plus grand sur le visage. La curiosité était un bien vilain défaut et il comptait en profiter le plus possible.
-Si vous tenez absolument à le savoir, j'ai bien une autre tâche à vous confier....mmh....non...Oubliez ça, ça pourrait être dangereux.
Après ces quelques mots, il se rassit en tailleurs et recommença à contempler le feu. Les vampires étaient des créatures connues pour leur orgueil démesuré. Celle ci ne devait pas échapper à la règle. Il fallait juste laisser un peu de temps s'écouler pour qu'elle morde à l'hameçon.

-Félicitations, vous avez trouvé. Mais le comment du pourquoi ne fait pas partie de nos accords...

Il y avait de quoi s’en douter. Révéler de tels secrets sur son identité ne devait pas être une chose que l’on offrait au premier venu.

-Si vous tenez absolument à le savoir, j'ai bien une autre tâche à vous confier....mmh....non...Oubliez ça, ça pourrait être dangereux.

« Dangereux » ? Comme si l’on pouvait porter atteinte à sa vie aussi aisément. De plus, le goût du danger demeurait un des seuls remèdes qu’elle avait en sa possession pour combattre son plus grand ennemi : l’ennui. Risquer sa « vie » semblait nécessaire parfois, pouvoir savourer le délice de savoir son existence sur un fil prêt à rompre. Prête à sombrer dans l’oubli. A retourner à la poussière… Ce n’était plus qu’une futilité de rester prudent dans ce genre de situations.

Même si ses paroles suintaient le traquenard, l’option SE DESISTER étincelait d’une lueur trop peu intense pour être acceptable. C’était un piège, trop tentant pour être refusé. Le point de non-retour était passé. Et le temps s’écoulait trop lentement dans cette grotte sans un peu de piment.

-Quelle est donc cette tâche ? Ce serait bête de s’arrêter en si bon chemin, non ?

Un léger air léger sur la face, au fond d’elle, les questions fusaient. Qu’allait-il imaginer ? Que pouvait-il avoir en tête ? Mais surtout, pourquoi ?

-Quelle est donc cette tâche ? Ce serait bête de s’arrêter en si bon chemin, non ?
L'orgueil....oh oui l'orgueil.....il en suintait par tout les pores de sa peau.....elle était donc comme tout ceux de sa race....Et il se demandait toujours comment une femme aussi perspicace avait pût tomber aussi facilement dans le piège. Enfin bref, là n'était pas le soucis....son plus gros problème était en effet que si il y avait bel et bien un danger, ce n'était pas seulement pour elle.
-Hum.....eh bien soit....mais si jamais vous deviez mourir, ne revenez pas me hanter parce que je ne vous aurais pas prévenu....
A vrai dire, ce qu'il disait était à moitié de l'humour et à moitié ce qu'il avait au fond de la pensée.....on ne sait jamais à quoi s'attendre avec ces créatures déjà mortes....
Il retourna encore une fois vers son sac et en sortit un objet enroulé dans du tissu. Défaisant délicatement chaque bande de tissu une par une, il révéla enfin aux yeux de la femme le précieux contenu: une fiole de sang de dragon pur.
La fiole finement ouvragée avait été enchantée pour éviter la coagulation du sang et l'altération de celui ci par les affres du temps. C'était comme si il sortait du dragon en quelques sortes.
Reprenant l'écuelle de fer, il versa une goutte du liquide dedans. Le sang forma une larme rubis au fond du contenant. Il rangea ensuite sa précieuse fiole dans son sac.
Il plaça l'écuelle en face de la vampiresse avant de saisir sa lance et d'en diriger la pointe sur le coeur de cette dernière.
-Goûtez, et essayez de me dater ça s'il vous plaît. Je tiens à vous prévenir d'avance que ceci, contrairement au miens, est du sang pur....Autrement dit, la réaction que vous avez eu au contact du miens tout à l'heure n'était rien comparé à celle que vous pourriez avoir avec celui ci.
Pourquoi voulez il la date? Oh ça.....c'était pour un objectif qui dépassait largement les compétences du commun des mortels......dès que la tempête s’arrêterait, il pourrait enfin reprendre son voyage vers la capitale.....et là bas l'attendait l'élément manquant.

-Goûtez, et essayez de me dater ça s'il vous plaît. Je tiens à vous prévenir d'avance que ceci, contrairement au miens, est du sang pur....Autrement dit, la réaction que vous avez eu au contact du miens tout à l'heure n'était rien comparé à celle que vous pourriez avoir avec celui-ci.

Le dater ? Tss… Mauvais calcul. Vivre des siècles faisait perdre la notion du temps. A s’égarer parmi les jours, les semaines, les années, puis les olympiades, les décennies, les siècles… Chaque grain du sablier ne s’écoulait pas de la même manière pour tout le monde et principalement pour les immortels, dont chaque particule du sablier, chaque engrenage de la montre apparaissait si dérisoire… Si dénudé d’intérêt. Dans leur monde figé. Rempli de statues de marbre impérissables. Teintées de la vie, arrachée avec sauvagerie.

Lorsque ses réflexions s’atténuèrent, une douce odeur se mit à s’implanter dans ses narines, devenant un torrent odorant, attaquant directement la lame criblée, tel un acide à volonté. Une fragrance érodant chaque parcelle de raison qui tenait bon dans son esprit. Un effluve alléchant meurtrissant l’image gracieuse et posée que Nindaeï affichait normalement.
Ses deux mains tentaient de créer un masque, aplatissant ses lèvres fines contre ses dents.

« Comment réfléchir paisiblement à une datation plausible en pleine crise ?? »

Braver les éléments déchaînés pour aller tuer un ours à mains nues, trouver une réponse à une énigme dont seuls les plus grands érudits possédaient la réponse, deviner les péripéties du passé de Reivax en n’ayant que son apparence comme indice ou alors, une tâche des plus exiguës à accomplir, puis revenir tel une héroïne clamant haut et fort son exploit.
Les possibilités ne manquaient, mais l’hybride avait décelé sans doute une de ses plus grandes faiblesses avec ce test pour le moins incongru. Alors, il ne restait plus qu’une solution. Laisser place au hasard. Avec la dose de poisse qui s’abattait sur elle ces derniers temps, peut-être qu’une lueur de chance pourrait apparaître… Qui sait ?

Prenant une très profonde inspiration, sa magie lui servit à geler l’intérieur de ses narines, tentant d’empêcher l’émanation de triturer encore plus ses instincts. Espoir vain, mais qui calmait déjà un peu plus la vampire. Subitement, elle prit un air plus grave, feintant la réflexion.

-C’est ancien pour sûr… Légèrement avant 972. Soit, globalement 200 ans avant la fondation d’Aeoris… Je dirais l’Année du Roseau. Sans grande conviction.

Ce n’était que des suppositions, une globalité séculaire pour placer une date à priori presque précise.

Au fond d’elle, l’hésitation était palpable. Laisser la réponse aux aléas du sort demeurait un choix assez impétueux. Tant pis, il n’y avait plus rien à perdre.
Comme pour se rassurer de sa réponse, ses deux gemmes rouges fixaient Reivax, tentant de le convaincre que la réponse ne pouvait être que juste, même dans la fausseté…

-C’est ancien pour sûr… Légèrement avant 972. Soit, globalement 200 ans avant la fondation d’Aeoris… Je dirais l’Année du Roseau. Sans grande conviction.
Il avait beau fouiller les yeux sans âges de la femme, il n'y décelait ni mensonge, ni vérité.....juste un combat entre son coté sauvage et sa raison. Devait-il faire confiance à cette créature connue et reconnue pour sa fourberie au risque d'échouer si près du but?
En supposant qu'elle ai raison, ce sang avait donc....1069 ans....rien que ça.

Mais comment se fier à cette femme peut-être plusieurs fois millénaire. Décidément, les loups étaient de compagnie bien plus agréable que cette vampiresse. A force de se triturer les méninges comme ça, il allait finir par se réduire le cerveau en compote.

Et puis......même en supposant qu'elle avait raison, il lui manquait toujours la véritable recette......Et dire qu'il ne pensait à ça que maintenant!!!
Il aurait voulu égorger la femme en face de lui tellement la rage montait en lui.
Au lieu de ça, il se contenta de prendre le premier objet lui venant sous la main, un morceau de bois, et il le lança contre la paroi de la caverne où il se brisa. Il se rassît, tentant de calmer sa frustration du mieux qu'il pût. En face de lui, la vampire devait le regarder, médusée....
Pour l'instant, il devait juste se calmer, il trouverait quoi faire plus tard....la tempête s'éternisait vraiment.

Tromper, manipuler, tirer les fils de la vérité… Une spécialité pour des créatures qui devaient tromper les gens pour les entraîner dans leurs filets. Le mensonge savait être une deuxième nature pour elle.

-Aurais-je droit à ma récompense avec cette réponse ?

Cela était dit, non chuchoté plutôt… avec un des plus larges sourires fourbes que sa panoplie savait offrir. Mélangé à une certaine malice et à une confiance en soi qui se creusait un peu plus à chaque instant. Teinté de cette réalité que ses propos et sa fausse honnêteté dissipait si bien… Distordu en une fente en croissant de lune sur son visage d’albâtre.

Ce genre de jeux finissait par la fatiguer parfois. La solitude était son havre de paix, car elle savait… Elle savait que les liens sociaux n’étaient qu’entraves et les politesses, des murs face aux véritables pensées. Les liens faisaient toujours trop mal… Lorsqu’ils arrachaient le peu d’espoir que l’on implantait en eux… Après toutes ses déceptions, la vampire se privait de la seule chose qui faisait avancer les humains. Les mortels qu’elle aimait tant détester…. Ce n’était que la notion de « bonheur ». En être privée, tel un châtiment, une mutilation mentale qu’elle se forçait à s’infliger.

Perdue dans ses pensées, l’action de Reivax l’a fit retrouver ses esprits très vite. Son expression de colère montante palpable surprenait Nindaeï. Son visage de craie étonné perdit son sourire malsain. Cela voulait-il dire qu’elle avait raison ? Ou qu’elle avait âprement tort ?

-Voyons. Il serait plus aisé de garder votre sang-froid, non ?

Voir tant de frustration chez son vis-à-vis la rendait heureuse, son petit côté sadique. Un petit plaisir que l’on appréciait toujours autant même après des années.

« Je me demande ce qu’il va faire maintenant. Pris de revers. Il va être aveuglé par la colère, c’est certain. Les choses vont gagner en intérêt, semble-t-il… »

-Voyons. Il serait plus aisé de garder votre sang-froid, non ?
Il détestait qu'on lui donne des ordres......mais le summum de sa hantise était atteint lorsqu'ils étaient dit dans le seul but de le faire fulminer encore plus. Mais il n'avait pas envie de lui faire plaisir, elle s'était bien assez délectée du spectacle qu'il venait de lui offrir.
Tentant de se calmer tant bien que mal, il lança à cette femme un regard meurtrier sans pour autant montrer une autre forme d'agressivité.
-Bien sûr, vos récompenses.....vous avez bien sûr droit à mon sang....vous l'avez mérité....et je n'ai qu'une parole...mais pour ce qui est de l'explication.....comment avoir la certitude que ce que vous dites est vrai? Comment décerner le vrai du faux dans vos affirmations?
Évidemment, il aurait pût continuer son petit jeu et la transpercer....mais il préférait garder ça pour plus tard.....si jamais la conversation se gâtait.

-Bien sûr, vos récompenses.....vous avez bien sûr droit à mon sang....vous l'avez mérité....et je n'ai qu'une parole...mais pour ce qui est de l'explication.....comment avoir la certitude que ce que vous dites est vrai? Comment décerner le vrai du faux dans vos affirmations?

Une mèche rebelle passa devant son visage qu’elle repoussa délicatement avec le revers de sa main.

-Vérité, mensonges… Tout n’est que relents de l’univers. Comment déceler le vrai du faux, si ce n’est en prenant en compte toutes les possibilités ? Néanmoins… Ni vous, ni moi ne pouvons totalement témoigner de la véracité de cette datation, n’est-ce pas ? Si vous auriez le même âge que ce sang de dragon, je pense que votre visage serait un peu moins juvénile sans doute.

Ensuite, un rire s’échappa de sa gorge. Sarcastique et un peu moqueur, mais c’était presque plus pour calmer l’atmosphère que pour irriter son interlocuteur. Enfin… Après l’interprétation serait peut-être différente de son intention… Il est toujours facile de s’engluer dans un malentendu…

Maintenant, juste attendre que l’atmosphère se détende, qu’elle puisse réclamer son dû sans trop d’esquives et ne pas entraîner un combat… Enfin, même s’il y en aurait un, les chances de gagner frôlaient des sommets et juste cette pensée l’emplissait d’un élan de confiance en elle un peu aveugle. Sa quiétude devait sans doute énerver son vis-à-vis.

Ses doigts tapotaient le manche d’En’Lith avec un mouvement d’aller-retour.

« Non, non… Mauvaise idée. Si ça devait tourner mal, ce serait à lui de lancer un assaut pas à moi. Pourquoi s’énerver alors que d’autres le font si bien ? De plus, ce serait dommage d’abîmer un si joli minois.»

Son mouvement s’arrêta net et elle posa ses deux mains devant sur ses genoux.

-Libre à vous de me croire ou non. Traînasser en futilités n’est certes pas une des choses que j’affectionne le plus en ce bas-monde. Voici donc ma proposition. Soit, vu que j’ai relevé le défi, je vous mords tranquillement et je tente de lésiner sur la quantité. Soit, j’utilise la manière forte et ce n’est pas sûr que vous ressortissiez d’ici en un morceau.

Alors que la vampire souhaitait pourtant faire acte de pacifisme, sa personnalité changeante avait subitement décidé le contraire et elle avait le contrôle sur ses cordes vocales apparemment. A force de contradictions, son esprit ne s’en rendait presque plus compte. L’usure des années avait affaibli sa conscience. Se perdant toujours un peu plus. Et aucun médicament n’existe contre ce mal.

« C’est pas vrai. Maudite épée maléfique ! Elle va finir par avoir raison de moi à force. Bon sang!»