Je me tenais devant l'imposant édifice, immobile. Devant moi s'affrontaient éternellement dans la pierre étincellante de couleurs les nobles anges et les sombres démons, de la manière que l'artiste savant les avaient imaginés. Le flaboyant tympan rayonnait de sa splendeur sur les magnifiques battants de bois sculpté de la porte, sur lequel continuait l'éternel combat entre le bien et le mal.
L'édifice, construit selon la pure tradition Gothique du siècle précédent, s'étirait en longueur, entouré de magnifiques collones de marbres en arc boutant, sculptés sur toute leur hauteur. Le toit, sur lequel reposaient des dragons ocres, était parfaitement rectiligne, avec une pente savament calculée pour résister aux intempéries. Seule une tour, au milieu, s'élevait, avec des proportions si exactes qu'elle ne pouvait qu'embellir ce monument. Sculpté et peinte, elle aussi, sur toute sa hauteur, de manière à représenter la scène de l'Illumination du monde par Osha, tout en se fondant dans le ciel grâce à un procédé magique, elle était couronnée par par un clocher, dont les piliers étaient entourés de rosiers du plus bel effet.
Le gros du temple avait volontairement été vaincu par le lierre des bacheliers, rajoutant ainsi un côté érudit au temple du dieu. Autour s'étendaient de magnifiques jardins, agrémentés de fontaines éblouissantes, qui rendraient jaloux le parc.
Devant le portail se tenait fièrement une statue fidèle de la divinité. Sa longue barbe et sa chevelure blanches tombaient en cascade autour de son corps robuste magré son âge avancé. Vêtu d'une longue robe blanche et or d'érudit, semblable à celles des prêtres de la Noble Alliance mais en plus resplendissante, le dieu faisait face à ses visiteurs, avec son regard grave coloré de bleu et son visage bienveillant d'aïeul. Il serrait contre lui, de sa main gauche, un livre ouvert portant l'inscription "Cogito Ergo Sum" (NB : "Je pense donc je suis" en latin), tandis que de sa main droite il s'apprêtait à écrire avec la plume d'oie sertie s'or qui le symbolisait.
Fixant Osha des yeux, je me surpris à lui demander intérieurement que devais-je faire : m'abandonner à cette guerre, tourmentant ainsi le reste de ma vie pour avoir ordonné que l'on tue celle qui fut comme une soeur, ou raisonner Eowen, risquant ainsi de nombreuses vies, pour un résultat incertain ? Devais-je abandonner mon humanité dans cette guerre ?
Je savais que je n'obtiendrai pas de réponse. Mais en voulais-je réellement ? Que faisais-je ici, dans le but de me confesser, alors que je n'avais encore rien fait de mal ? Ou étais-je venue demander une réponse que je n'était plus certaine de vouloir...?
Je ne pouvais pas entrer. C'était au dessus de mes forces. Pourtant, il le fallait...
Je demeurais ici, perdue dans mes pensées, devant la statue d'Osha.