Les nobles saignent aussi [Pv: Ilyream]

Vouloir gravir les échelons rapidement, c'est typiquement humain, trouve le démon. L'humain trouve que les démons sont pareils sur ce point. Enfin, les deux mêlés ils ne savent plus tout ça.

Il arrivait enfin à la ville, il sauta de la calèche discrètement, il n'était pas supposé s'y trouver, passer le trajet couché sur le plancher lui avait éviter d'attendre une diligence qui aurait été plus adaptée, mais payante. Et puis qu'était-ce? Rien, la vie était pleine de risques, cela ne changeait rien d'en prendre quelques uns. Et il était motivé à aider la faction, oui, il fallait l'aider, ainsi il obtiendrait un poste plus important, une position plus confortable. Plus stable, l'homme dont il avait tranché certains doigts l'autre jour... il pourrait le faire exécuter sans problème, éviter les plaintes ou la vengeance.

Mais là n'était pas la question, il était venu glaner quelques informations... mais ce n'avait été très concluant. Personne ne savait rien, ni où se cachait en ce moment Raphaël Kelen, ni ce qui pouvait bien se tramer dans l'ombre de la ville. Et coup du sort, chance incroyable, la shaman était là, à Cantabria. Les drames récents avaient du l'obliger à quitter sa tente. Rien de mieux que ces vieux débris qui n'avaient jamais vécu mais craignaient pour leurs vies.. ça payait bien, et elle était protégée, ici. Payer, il regarda sa poche, quelques diamants. Récemment dérobés, pas par ses soins, mais il avait intimidé un voleur...

Probablement un de ceux sous les directives d'Anthéa, ça l'intéressait. Certes, étaient de sa faction. Mais bon, on fait comme on peut. Il allait entrer, c'était juste là, derrière. Et la voix, basse et profonde envahit l'air environnant... ou était-ce juste lui? Peu importe ce qu'il en fut, il entendit distinctement: « sans corps, on n'entre pas ». Le démon en lui esquissa un doux sourire. Il tourna les talons... Tomba sur un homme, appuyé sur une canne au pommeau argenté.

Sourit à son tour:

- Et d'un?

Haussa un sourcil, le jaugea, et attendit un peu... savourer...

Habillée d'une robe d'un tissu fin vert émeraude, assortie à son oeil droit, Ilyream déambulait dans la ville cotière charmante qui abritait les plus grands trésors d'Aeoris. Quand elle croisait un vieillard ou une madone riche et arrogante, elle parvenait parfois à dérober une bague, ou une paire de boucles d'oreilles, ce qui l'amusait grandement. Ce n'était pas à son habitude de s'habiller aussi librement, sans sa lourde cape sombre, et de voler autant, elle qui se faisait la plupart du temps discrète.

A la base, elle n'était pas venue là pour badiner, absolument pas. Elle venait chercher quelques informations pour sa Reine, la grande Marcheuse d'Ombre qu'elle vénérait presque, Eowen Sauloon. En effet, celle-ci voulait se venger de la Demoiselle des Papillons, et pour ça, il fallait bien aller voir la pythie locale, la Shaman aux cheveux de sang, et aux ongles écarlates. Elle allait donc rencontrer cette femme étrange, mais elle savait qu'il lui fallait quelques cadavres frais.

Arrivant aux abords de la ville, elle vit d'abord un jeune garçon devant la tente, et un vieil homme bedonnant de dos. Comme elle avait profité du temps et des richesses des vieux nobles, elle avait oublié de tuer quelques personnes nécessaires au payement de la Shaman. La cible était parfaite, et avant que le jeune homme n'ai pu faire un seul geste, elle sortit son arbalète, visa la tete et tira, tuant l'homme sur le coup.
Le sourire du garçon, qu'elle apercevait maintenant qu'elle s'approchait, s'était flétri, et un éclair de colère passa dans ses yeux charbons.

Ilyream ramassa le cadavre et avança vers l'entrée de la tente, ignorant le jeune homme, qui avait l'air légèrement choqué.

Il savait qu'il allait se passer quelque chose, mais le démon n'avait rien soufflé, ils étaient parfois, comme ça... distincts, encore une chance qu'il récupère toute sa tête. Peut-être un jour.

Le sourire s'effaça. Surprise. Il regardait une jeune femme, vêtue de vert, au physique hypnotique. A-t-il seulement déjà aimé? Le sourire faillit revenir. Et puis... elle tua sa cible.. Attendez, attendez! Qu'était cette histoire dans laquelle la sublime jeune femme tue quelqu'un... Non, il n'était tout de même si surpris. Mais il feignit la surprise. Celle-ci lui allait bien au teint. Il aimait bien paraître surpris. Non, il repensa à Eowen, et son célèbre tableau de chasse, tout autre que celui de son Girudomasuta à lui.

Le sourire revint une fois qu'elle l'eut dépassé. Sans doute qu'il aimait les femmes entreprenantes. Ou plutôt les personnes fortes de manière générale. Bien... Par contre du coup, il fallait qu'il trouve quelqu'un d'autre. Il reviendrait, il la verrait. Cette femme intéressante. Il avança dans les ruelles pavés, cette ville était plutôt agréable. Ou plutôt, aurait pu l'être, s'il n'y avait pas d'habitants. Il alla vers la plage. Et ne s'y trompa pas.


Deux hommes, enfin, jeunes hommes, dont l'apparence faisait croire qu'ils avaient l'âge de l'âme damnée. Une poudre "sombre confusion", un nom digne de parfum, certes, mais bien utile, quand la fumée se dégage des grains et confond les sens un temps. Ce temps même, suffisant pour voler une dague (plutôt longue, signe de fortune, la taille fait tout) et la ficher dans le coeur, puis tourner le poignet, comme enclencher un doux mécanisme, bruits exquis que ceux du corps qui se meurt.


Et le deuxième, il n'en avait guère besoin, alors rire. Rire doucement, et sans attendre que la poudre cesse d'agir, approcher le visage du mort de celui de son... Son frère? Ami? Amant? Qu'importe c'était divertissant. Novan rit davantage lorsque l'homme sembla plus décomposé que le cadavre. Ah, les démons et leur sens de l'humour.

Revenir vers la tente, peut-être que celle de vert vêtue y serait toujours. Avec un peu de chance, il n'avait été si lent.

"Pas assez de saaaang... Plus de cadavres, Marcheuse ! Encore, encore, encooooore....

dit la Shaman, avec des intonations aigues, puis graves, formant comme une mélodie aux sons impurs. La femme sans age semblait pourtant en transe, ses membres frémissaient et ses yeux presque aveugles étaient comme vides. Ilyream hocha la tete, et sortit de la tente, chercher d'autres cadavres pour la rétribution de la Voyante des Ames, tandis que celle-ci continuait ces "encore, encore" comme une sombre complainte.

Le soleil l'éblouit de sa lumière trop pure, elle qui se complaisait dans l'obscurité de la tente, alors elle mit sa main devant ses yeux, pour y échapper quelque peu. Elle ne vit donc pas arriver immédiatement le garçon aux yeux d'ébène, trainant sans trop d'efforts un cadavre d'un garçon à peine moins vieux qu'elle, au coeur percé. Du beau travail, elle n'aurait pas mieux fait. Elle admira encore un peu le macchabée, puis remonta jusqu'au visage de celui qui le tenait. Un visage agacé, aux traits charmants et à la peau blanche, mais moins que celle d'un vampire. Ses yeux charbons étaient sévères et froids, comme les miens. Surmontant sa répulsion de parler à des gens, et encore plus à un inconnu, Ilyream, animée par elle-ne-savait quelle bonne intention, d'une voix légèrement rauque et tout aussi froide que son regard lui dit :

"Inutile d'entrer avec un seul cadavre, meme frais. Apparemment, elle a faim.
Je vois que l'on sait bien tuer, dit elle avec un sourire cruel. Je me lance en chasse, et je n'ai pas envie de prendre trop de temps, je dois etre rentrée avant demain soir. Joignez-vous donc à moi, messire...?"

Et sans attendre de réponse, elle détourna le regard et retourna vers la riche ville.

Elle sortait, justement. Il affecta de ne point remarquer qu'il l'avait vu. Son regard traversait seulement, oui, pas d'intérêt visible. Il posa le cadavre à l'entrée, ce n'était pas comme si quelqu'un allait s'approcher. Et ainsi la place était réservée. Il prit la dague, elle pourrait servir. Elle semblait voir qu'il la regardait quand même. Tant pis. Il ne put s'empêcher de sourire en écoutant ses propos. Il pouvait bien lui retourner le compliment, mais comme elle avait piqué sa proie ç'aurait été exagérer.

Il attendit un peu, avant de la suivre, observa la silhouette de la jeune femme de dos. Puis la rejoint, il était certain qu'elle n'était pas de la Noble Alliance, ces derniers jouaient à la bataille navale entre eux, touché coulé, un point contre, un point pour Lady B. Elle tentait d'éliminer les couards et les plus malins, qui n'allaient dans son sens. Donc d'une manière ou d'une autre elle n'était pas une ennemie.

Les marcheurs étaient un peu effrayants, selon les rumeurs, des assassins, des damnés... Il sourit, il aurait pu en être, à quelque chose près. Question de choix, puis, il doutait qu'il y ait tant d'âmes damnées dans les rangs, il pensait pouvoir avoir plus facilement le dessus. Il verrait probablement très vite ce que cela donnerait. Hum... il fallait relancer la conversation, non? Mais la jeune femme ne semblait chercher le dialogue...

Et pourtant elle avait tout de même fait l'effort de lui parler. Novan, lui, avait toujours besoin de son temps de réaction pour s'accorder au démon. Et de surcroît il hésitait, ça n'arrangeait rien. Dire quelque chose? Ou se taire à jamais? Non, ce dilemme n'avait lieu d'être, et en plus lui rappelait cette fameuse phrase qu'on prononçait lors des unions. Ah, horreur, horreur, il n'arrivait plus à penser..

« - Je, euh... vous n'avez pas trop froid? »

La question ressemblait à une affirmation, décidément, parler peu lui portait préjudice, les intonations n'étaient pas vraiment bonnes, et le ton ne semblait pas assez dur, non, pas assez dur, reprendre le contrôle, il n'attendit même pas sa réponse (il n'était d'ailleurs pas sûr qu'elle ait entendu, il n'avait pas parlé fort, et la voix se perdait rapidement, quand la volonté ne la soutenait pas).

Plus confiant, donc, second essai:

« - Alors comme ça vous êtes aussi en quête d'informations, il est vrai qu'elle est une pièce maîtresse pour quiconque tente de s'en sortir vivant. Et davantage encore quand on veut faire gagner son camp. »

Il était plutôt satisfait, c'était mieux, pas encore parfait, mais mieux. Et le ton désinvolte fonctionnait plus que celui étourdi, qui fléchissait au moindre obstacle.

"Je, heu...vous n'avez pas trop froid?"

Ilyream étouffa un petit rire, que le jeune n'entendit pas, heureusement. Décidément, le soleil ne la réussissait pas, elle souriait, parlait et meme riait. Il y avait un problème derrière tout ça ! Mais le garçon enchaina rapidement, comme honteux, mais d'un ton désinvolte :

"-Alors comme ça vous tes aussi en quete d'informations, il est vrai qu'elle est une pièce maitresse pour quiconque tente de s'en sortir vivant. Et davantage encore quand on veut faire gagner son camp."

Ilyream répondit un peu froidement, sans méchanceté cependant :

"ça, ça ne te regarde pas, ame damnée. Pour plus de commodités, puis-je connaitre ton nom ?
Je suis Ilyream Shitai, Marcheuse d'Ombre, et celle de ma Reine Eowen."

Elle avançait toujours rapidement, et lorsqu'elle vit les premiers Nobles, elle sortit deux petites dagues et elle s'élança en chantonnant. Elle coupa la gorge du premier, d'un geste sur et rapide, éclaboussant sa robe émeraude et la garde de sa dague d'un sang brulant, spiritueux et délicieux. Le sang des Riches... Quel bonheur...
Le deuxième subit un sort des plus sympathique : Ilyream lui planta la dague dans l'oeil, le mordit profondément, et bu, par gourmandise.
Elle enfonça sa main droite dans la poitrine d'un troisième, lui arracha le coeur, et continua sur sa lancée.

Elle s'arreta brusquement, le sang lui faisant des mitaines longues sur les bras, et dessinant des bien jolies arabesques sur sa robe fine, lui collant à la peau. Elle se retourna en souriant, et dit d'une voix rauque et excitée par le massacre :

"Et bien ? Tu ne viens pas ?"

Elle savait qu'il était une âme damnée mais ça ne la dérangeait pas apparemment, c'était plutôt agréable, pour une fois. Habituellement on critiquait son aura, parfois on lui criait qu'il puait la mort, et ce genre de discrimination l'aurait presque rendu triste, s'il avait été faible. À la place il avait tué ceux qui étaient allés trop loin, suivant son niveau de tolérance relativement bas. Quitte à être traité comme un monstre autant agir en tant que tel.

Il sembla réfléchir un temps, avant de le donner, avec un léger sourire, tandis qu'ils continuaient de progresser, toujours aussi vite. Ce n'est pas comme si son nom allait l'aider, il sortait de nulle part ce nom, d'un joli néant. Qu'il avait lui même créé, mais personne ne pourrait plus jamais en témoigner. Démon, démon, il fut un temps durant lequel il perdit totalement son âme, maintenant c'est plus comme s'il en avait deux. Parfois il y repensait en voyant ses enfants qui jouaient, et qui se liaient par une promesse d'auriculaires ce gentil son: « ami(e)s pour la vie ». Naïfs, si seulement ils pouvaient imaginer ce que ça implique. Maudits ignorants. Il chassa une mèche qui le dérangeait.

« Novan Dief, de la faction des Voyageurs du temps, pas près de plier sous le joug de mes supérieurs »

Ce qui n'était pas vraiment un reproche envers la demoiselle ombre d'Eowen, mais plutôt une manière d'expliciter sa propre situation dans sa faction, légèrement bravache. Et il se baissa souplement en une légère courbette malicieuse, sans ralentir pour autant. Puis il la laissa passer, question de courtoisie voyez-vous, les femmes et les enfants d'abord, même lorsqu'il s'agissait d'assassinats. Non en fait il l'avait laissée le distancer un instant, pour prendre son arc, les flèches, il aimait bien aussi. Une alla se ficher dans l'oeil d'une des cible, et l'autre failli frôler (oui frôler) Ilyream, mais heureusement elle enchaînait rapidement. Les ennemis venaient à lui de son côté, il lâcha l'arc et empoigna sa sublime dague pour ouvrir le ventre du premier qui arrivait, et sans se laisser déconcentrer par la vue qui aurait pu être qualifiée d'horrible l'enfoncer davantage, jusqu'à ce que le poignet y trempe, avant de se retirer.

Et de l'autre main sortir le hachoir, splendide lui aussi. Novan aime ces armes, à un point inimaginable pour beaucoup, peut-être que les forgerons et maîtres d'armes peuvent comprendre, et encore, parfois, ils sont si loin du compte. La lame va se ficher dans une épaule, craquement délicieux, oh, l'os est touché. Touché, touché, aussi utilisé comme synonyme de flatté, ému. Novan rirait presque, fou ce que l'on s'amuse ici! Pourquoi, pourquoi ne sourient-ils pas plus? Trancher un visage en deux, sourire immense. Et d'un coup, il entend cette voix, et se retourne vers la beauté ensanglanté, avec ce même sourire éclaboussé de sang:

« Il viennent à moi, très chère, ils sont si pressés de mourir, c'est étonnant! »

Ravi, il lécha la lame de sa dague et poussa le corps du dernier endommagé, d'un coup de pied direct. Mais ça n'allait pas être si facile, il voyait d'autres personnes arriver, alertées par les cris, se précipitant, celles-ci davantage équipées, bouclier et arme au poing.